mardi 17 août 2010

Canal de Crinan et Kintyre

Mercredi 11 août, nous nous réveillons après une bonne nuit (mais très arrosée) face à l’entrée du canal de Crinan. Le vent est tombé au cours de la nuit, et nous levons l’ancre dès 8 heures pour entrer dans la première écluse avant que le vent ne reprenne et soulève une mer qui nous en empêche (cf. l’expérience de la veille…). Cette fois-ci, pas de problème et à 10 heures, nous avons passé 2 écluses et nous nous amarrons sur un ponton qui donne accès à un observatoire d’oiseaux. Le calme !
La construction de ce canal a démarré à la fin du XVIII° siècle : il est plus ancien que les canaux que nous avons empruntés jusqu’alors. Il est aussi plus court : à peine 10 nautiques ! Mais il permet d’éviter la navigation autour de la presqu’île de Kintyre (qu’il traverse) : le Mull de Kintyre, chanté par Paul Mc Cartney est un raz qui a fort méchante réputation, brassé par les courants de marée de la mer du Nord qui passe entre l’Irlande et l’Ecosse à cet endroit. Le choix entre le tour de la péninsule et le canal semble donc vite fait, mais à la réflexion…
Le canal est entièrement artificiel, il comprend à ses deux extrémités des sea-locks (écluses qui permettent la séparation avec la mer) et 14 écluses intérieures. Les écluses sont petites et surtout étroites : la plus étroite ne fait pas beaucoup plus de 6 m de large, alors que le maitre bau de PikouRous est de 4 m sans les indispensables pare-battages). Et surtout, leur opération est demeurée manuelle, et à part les 2 sea-locks et 3 écluses jumelées avec des ponts qui sont mises en œuvre par des professionnels, il revient aux navigateurs de les manœuvrer !
Et c’est du boulot… Remplir la première écluse, ouvrir les portes arrière, faire entrer les bateaux et les amarrer, vider l’écluse, ouvrir les portes avant, aller à la deuxième écluse, la remplir, ouvrir les portes arrière, lâcher les amarres des bateaux dans la première écluse, faire entrer les bateaux dans la deuxième écluse et les amarrer, aller à la première écluse et fermer les portes avant, etc… Et les portes ne sont pas d’un maniement très aisé. L’objectif est donc de disposer d’un équipage plein de muscles (c’est râté pour nous) et/ou d’entasser le plus de bateaux possible dans les écluses (qui sont petites) pour rassembler les muscles de plusieurs équipages (mais s’ils sont aussi pauvre en muscles que vous…). Nous avons tout tenté, mais au résultat après la manœuvre de 7 ou 8 écluses nous étions épuisés, et avons apprécié notre soirée au calme sur un ponton du canal. D’autant que le vent s’était relevé et poussait fortement les bateaux dans le canal (pas grave, on pouvait avancer à 3 nœuds sans moteur !) mais aussi dans les écluses : Daniel devait manœuvrer seul sur le bateau puisque Danièle manœuvrait les écluses, et entrait avec le moteur en marche arrière… Et puis la dernière écluse de cette première journée nous a valu quelques émotions supplémentaires. Le bateau était amarré avec des amarres passées en double autour des crochets prévus à cet effet, et l’écluse se vidait. Danièle était à bord, et s’aperçoit que le morceau de l’amarre arrière qui devrait être libre pour permettre la descente du bateau est coincé sous l’autre morceau : le bord des écluses est usé par l’utilisation de milliers d’amarres toujours au même endroit, ce qui peut conduire à ce genre de situation. Le morceau d’amarre qui est au-dessus est tendue comme un arc et empêche l’autre morceau de glisser : l’eau descend dans l’écluse, mais pas le bateau qui est pendu, et l’eau continue à descendre… C’est la fin de la journée, tous les équipages sont sur leur bateau et nos appels à arrêter le flux d’eau sont vains (Ah ! s’il y avait un éclusier…). Seule solution, le skipper s’empare d’un couteau de cuisine et tranche l’amarre : elle est si tendue que c’est rapide, et l’arrière du bateau retombe à la surface de l’eau de 15 ou 20 cm.
Certes, nous avons une nouvelle vérifié la solidité du bateau et cette fois-ci de ses chaumards,, mais nous nous serions passé de cette expérience ! Structurellement, aucun problème, mais la peinture a un peu frotté contre le mur de l’écluse. Après les 52 écluses du Göta Kanal, les 5 du Trollhatan Kanal, les 29 du canal calédonien, cela fait rager ! Mais, ce n’est pas grave…
D’ailleurs, il est temps de remercier de nouveau Karl Gustav, qui nous a donné les planches que nous avons utilisées pour protéger le bateau dans toutes ces écluses !
Et les paysages sont superbes, le chenal étroit et sinueux, avec une faune dense (des oiseaux aux chevreuils) et une flore de toutes les couleurs. Bon, avec un peu plus de soleil, ce serait encore mieux… Nous avons même été voir un site de rochers gravés de cercles concentriques il y a 5000 ans par des hommes de l’âge de pierre, du temps où il n’y avait pas de canal donc pas d’écluse à manœuvrer dans la région…
Jeudi 12 : 4 écluses à passer, dont 2 à manœuvrer seuls : il nous faut un certain temps. Et nous voilà de retour sur mer en tout début d’après-midi. J’ai bien sûr pris la peine de regarder les horaires de la marée, au port de référence que j’utilise depuis plusieurs jours : nous devrions être à marée basse, mais il nous semble qu’il y a beaucoup d’eau… re-calcul, comparaison avec les prédictions de notre logiciel de navigation : il y a un hic… Il nous faudra bien deux heures pour réconcilier tous les éléments : en fait si la longueur du canal n’est que de 10 miles par la terre, la marée est totalement différente d’une entrée à l’autre (5 heures) : quand la mer est haute d’un côté, elle est pratiquement basse de l’autre, et il est impératif de lire les horaires de marée du port de référence adéquat…
Pas grave, le soleil était avec nous, le vent était portant et nous avancions bien, alors plutôt que de nous arrêter à Tarbert, que des navigateurs nous avaient recommandé, nous décidons de profiter des bonnes conditions pour aller un peu plus au Sud. Nous savons en effet que la côte sera ensuite peu accueillante, et n’offrant que de rares abris : tout ce qui est gagné vers le Sud est bon à prendre !
Nous traversons le Kilbrannan avec un courant favorable de plus de 2 nœuds ; en fin d’après-midi, le vent force un peu (rafales à 22 nœuds) et nous naviguons au portant entre 8 et 9 noeuds : facile et agréable. Nous nos rapprochons de la terre, et expérimentons alors les « squalls » dont nous avons beaucoup entendu parler. Les reliefs élevés n’arrêtent pas les vents forts qui sont au contraire accélérés, passent au-dessus de ces reliefs pour redescendre des sommets vers la mer avec force. Notre vent en fin de soirée varie en intensité entre 3 et 20 nœuds et en direction sur 30 degrés et de façon répétée et violente : impressionnant ! Le courant nous est défavorable maintenant et nous arrivons au port de Campbeltown au Sud-Est de la péninsule de Kintyre dans des conditions très éloignées de l’entrée dans un port protégé de cez nous… L’amarrage au ponton promet… Heureusement, deux Irlandais sortent de leur voilier et nous prêtent main forte, et tout se passe au mieux !
Bryan et Joe viendront d’ailleurs dans la soirée sur PikouRous avec Mickael le fils de Bryan et… une bouteille de vin rouge français : nous avions avoué que nous n’avions plus que du vin étranger à leur offrir… Ils ont planifié leur retour en Irlande pour le lendemain, vendredi 13 août, et nous en profitons pour leur demander conseil sur les itinéraires possibles vers le Sud. Leur recommandation est formelle : la côte anglaise / galloise est très difficile : courants de marée violents, bancs de sable, entrée dans les ports difficiles par vent fort ou réduite en temps par la hauteur d’eau… Même avec un peu de toutes ces difficultés, la côte irlandaise demeure bien plus aisée.
De plus, deux choses sont certaines : la prochaine étape sera au minimum de 70 nautiques, sans escale possible et pour profiter des courants favorables entre Ecosse et Irlande il faudra partir au petit matin.
Nous décidons donc de nous accorder la journée du vendredi pour faire les pleins, relire les guides de navigation !
D’ailleurs, Campbeltown offre tous les services nécessaires et serait même un point de départ bien pratique pour des visites dans la région du Kintyre, apparemment très riche… si nous en avions encore le temps.

Aspects techniques
  • Dans le passage des écluses descendantes, il est important de bien faire passer les amarres de façon à ce que elles ne se coincent pas. Pour cela, le bout libre de l'amarre (que vos tenez en main) doit passer au dessus du bout de l'amarre qui passe dans le dispositif d'amarrage sur le quai et qui est reliée au bateau.
  • Dans les écluses, toujours prévoir un couteau rapidement accessible pour trancher les amarres si nécessaire.
  • Attention à l'utilisation du Spinnaker dans les Fjords ou les Lochs. le vent peut varier brutalement en intensité et en direction.
  • En Grande Bretagne, le courants de marées sont souvent référencés par rapport aux horaires de marées de Douvres (même au nord de l'Ecosse). Il est donc utiles de se les procurer.




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1 commentaire:

  1. alain et martine benedictus18 août 2010 à 09:52

    Après avoir "éclusé" toute la journée, vous trouvez encore la force de boire du vin dans la soirée :-)) Alors là bravo! :-). J'espère que pikou n' a pas trop souffert du coup de "rabot" sur la coque et que la "blessure" n'est que superficielle. L'Ile de Man est prévue ou non? Pas de concert en vue sur cette ile mythique?
    Comme je vous l'ai dit dans mon email, si vous avez envie de donner un petit coup de barre à babord après les Scilly, notre petite maison de pleubian peut vous accueillir. Voili voilou comme disent les voileux, à bientôt,
    Alain et Martine

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